|
Vial Arcade d'Orient (1790 - 1877) Arcade d'Orient! Ce prénom curieux apparaît sur un arbre généalogique familial manuscrit. C'est le prénom de l'un des enfants de Christophe Vial, un des enfants de Nicolas Vial et d'Elisabeth Derrouy.
Perplexe devant ce nom (?), ce prénom (?), j'effectue quelques recherches. Je découvre rapidement un personnage au parcours original.
Vous trouverez ci-dessous l'intégralité d'un ""article"" retraçant sa vie et son oeuvre (Source: Excentriques Disparus, Simon Brugal (Firmin Boissin), Bassac, Plein-Chant, Imprimeur Editeur, 1995, pages 69-74) |
| Ce nom inquiétant et plus que singulier a toute la tournure d'un pseudonyme. N'en croyez rien. C'est bel et bien un vrai nom, un nom de baptême. Nous tenons le fait de M. d'Orient lui-même. Son nom de famille était: Vial.
Il eut le malheur de naître dans les jours les plus sombres de la Révolution, à Perpignan. Les prêtres fidèles se cachaient, les églises servaient de clubs, et on usait de mille stratagèmes pour se procurer les secours de la religion. Les parents de M. Vial, bons chrétiens, avaient à coeur de faire baptiser leur enfant par un prêtre. Ils finirent par en trouver un. La cérémonie eut lieu dans la famille. Jusque là pas de difficulté. Mais on n'avait pas réfléchi que le parrain était un athée de la plus belle venue. Or, quand il fut question de donner un prénom au moutard, notre esprit-fort repoussa tout nom de saint. Ce pauvre homme ne fêtait que le décadi et ne jurait que par le légumineux calendrier de Fabre d'Eglantine. Il fallait pourtant se décider. Alors, réfléchissant qu'il habitait sous les arcades de la place de la Loge, du côté du levant, ce parrain fantasque exigea que l'enfant s'appelât Arcade d'Orient. Le prêtre, pensant à un martyr de la primitive Eglise, saint Arcadius, passa outre, et l'enfant fut baptisé sous cette étrange appellation. Plus tard, M. Vial ne retint son nom de famille que pour les actes de la vie civile, et il signa de son nom de baptême seul: A. d'Orient, tous ses ouvrages.
Ouvrier horloger d'abord, puis bijoutier pour son propre compte, il vint s'établir à Paris, et il ne dut qu'à lui-même la culture de son intelligence. Comme Spinoza, comme Jacob Boehm, il consacrait à l'étude tous les moments de libres que lui laissait sa profession. C'est ainsi qu'il apprit successivement le latin, le grec, l'anglais, les sciences physiques, la théologie et l'histoire. En 1826, il publia une Analyse de la Lumière, où la théorie newtonienne se trouve expliquée et développée avec une rare précision et une remarquable lucidité. Quelques années auparavant, en 1820, il avait fait paraître (En 2 volumes in-8°) une Philosophie naturelle, où il était question du magnétisme, des esprits animaux, de l'âme des bêtes, de la transmutation des métaux, de la pierre philosophale, du triangle philosophique, - le tout prouvé par les lois de la mécanique. Il y renouvelait la doctrine du cardinal de Cusa sur les mondes habités et y laissait pressentir les germe des idées religieuses qu'il devait développer, vingt ans plus tard, dans le livre capital de sa vie: Les Destinées de l'Ame.
|
| Cet ouvrage eut deux éditions: la première parut en 1846; elle était dédiée au curé de la paroisse de Saint-Merry, M. l'abbé Annat. La seconde, considérablement augmentée, vit le jour en 1868; l'auteur la dédia aux catholiques de bonne foi et au futur Concile. De bonne foi lui-même, dans son hétérodoxie (car c'était un catholique pratiquant), Arcade d'Orient s'affirmait, dans ce livre, hardiment métempsycosiste. Il soutenait que "tous les hommes qui existent présentement ont déjà existé dans un monde antérieur, et vécu une vie réelle semblable à celle-ci". Pareillement, il prétendait qu'ils continueront à revivre "dans de nouvelles existences, tant que la terre subsistera, jusqu'à ce qu'ils aient comblé la mesure du bien et du mal". Il appuyait son système sur force textes tirés de l'Ecriture, des saints Pères et des théologiens - qu'il interprétait à sa manière.
La théorie de la préexistence des âmes et des vies successives d'épreuves ou d'expiation a eu d'autres partisans. Les néo-platoniciens d'Alexandrie et Origène lui-même l'enseignèrent formellement. C'était un des dogmes du druidisme. De nos jours, elle a été reproduite sous forme originale par Fourier. Puis, elle a été reprise en sous-oeuvre (avec des enjolivements personnels) par Jean Reynaud (Terre et Ciel), Henri Martin (premier volume de son Histoire de France), André Pezzani (Pluralité des Existences animiques), Allan Kardec (Le Livre des Esprits), Louis Figuier (Le Lendemain de la Mort), et Alphonse Esquiros (La Vie future au point de vue socialiste, épilogue aux Confessions d'un Curé de Village). Mais tous ces écrivains se font une gloire d'être libres-penseurs. M. d'Orient, au contraire, a la prétention de rester catholique très orthodoxe, tout en enseignant la métempsycose. C'est ce qui le distingue et constitue son originalité. "Lisez-moi, nous disait-il, et vous verrez que mes idées sont en conformité parfaite avec les vérités du christianisme". Nous lûmes Arcade d'Orient, et ne fûmes pas convaincu. Sans l'avouer, l'auteur avait puisé les principaux éléments de son système dans un ouvrage anonyme qui parut , à Londres, en 1684, sous ce titre: Deux cents Questions modestement proposées (moderatly propounded) touchant la Doctrine de la Révolution des Ames humaines.
M. d'Orient se préoccupait aussi beaucoup de la question de la Fin du monde, et on lui doit une volumineuse compilation en huit volumes sur l'Accomplissement des Prophéties. Les trois derniers volumes de cet ouvrage ne sont autre chose que l'histoire commentée de la Révolution française. L'auteur termine son livre au 10 août 1792, "jour du triomphe définitif du Mal et du renversement de l'ancien ordre social". Il montre que c'est de cet événement qu'il faut dater la fin de la puissance temporelle de l'Eglise catholique, figurée par le règne apocalyptique de MILLE ANS.
On doit encore à M. d'Orient deux poèmes extraordinaires, intitulés: l'un, la Mort du Christ, en quinze livres (1864); l'autre, le Triomphe prophétique de l'Eglise, en vingt livres (1867). Ces deux poèmes ont cela de particulier qu'ils sont en vers hexamètres, qui se scandent comme les vers latins, ont six pieds et je ne sais combien de syllabes. Quant à la rime, elle est supprimée absolument. Qu'on juge de cette prosodie nouvelle (dont l'auteur donne toutes les règles dans une très intéressante Préface), par cette invocation à l'Esprit Saint, qui ouvre la Mort du Christ:
... Toi qui de ta flamme emplis tout, Source d'infinie lumière, des Sacrés Mystères fécond Type, Esprit de feu! qui du Christ en Marie formant le corps divin, As de ton souffle puissant rendu la Virginité mère, Et, voix de Dieu au Cénacle, ainsi qu'en un autre Sinaï, As, parmi les éclairs, promulgué la Loi Sainte du peuple, Ecrite, non sur des tables de pierre, mais dans la vie des coeurs, Temple sacré qui te plaît: oh! viens et sanctifie ces vers Que je consacre à mon Dieu!...
Cela continue ainsi dans cinq grands et gros volumes in-8° - car les deux poèmes, entrecoupés d'intermèdes rimés et de savants commentaires en prose, sont le complément l'un de l'autre. Parfois, çà et là, dans cette effrayante consommation d'hexamètres, l'on est tout étonné d'apercevoir, resplendissants et reposants, des détails qui rappellent les épopées de Milton et de Klopstock. Telle la prosopée qui termine l'épisode relatif à Salomé, fille d'Hérodiade:
Doux sourire de la femme, flocons de sa noire chevelure, Plus terribles vous êtes cent fois, que tout ce que les poètes, Des terribles serpents de la tête de Méduse, inventèrent! En rochers ils transformaient les coeurs: vous en faites des brasiers.
Dans ses commentaires de la Mort du Christ, Arcade d'Orient prédit que les juifs seront, un jour, rétablis en Palestine. Chose piquante! La même prédiction a été faite par Alexandre Dumas fils, dans sa pièce dramatique: La femme de Claude.
L'auteur des Destinées de l'Ame avait gagné très honnêtement une fortune dans l'orfèvrerie. On ne s'expliquerait pas sans cela qu'il eût pu éditer à ses frais d'aussi volumineux ouvrages - dont il ne s'est peut-être pas vendu cent exemplaires. Et puis, dans sa vieillesse, l'excentrique mais très respectable vieillard dépensait si peu! Logique avec ses principes, il était devenu végétarien et vivait en véritable ascète. Comme Gleyzès, le réveur de Thalysie, dont nous parlons plus haut, il soutenait que l'homme, en mangeant de la viande, s'animalise, se bestialise et s'abrutit. La nourriture vraiment naturelle, ce sont les légumes, les racines, les herbes, les fruits, les céréales et le laitage. Et il n'usait que de ces aliments-là - ce qui ne l'empêcha pas de vieillir, puisqu'il est mort à l'âge de 87 ans.
Arcade d'Orient aimait beaucoup les pauvres. Dans le quartier Saint-Sulpice, qu'il habitait en dernier lieu, les petites gens le surnommaient "l'homme du bon Dieu".
|
| Autres éléments | Arcade d'Orient fut le grand ami d'Antoine Madrolle, écrivain légitimiste (Source: Maçonnerie egyptienne, Rose-Croix, et Néo-chevalerie: les fils de Cagliostro, Gérard Galtier, Editions du Rocher, 1989).
Bibliographie:
- Philosophie naturelle ou les phénomènes naturels, sont expliqués par les lois de la Mécanique. Paris, Delaroque jeune au Palais-Royal,1820. Deux Volumes in-8 de XXI-363 pp.,376 pp. Ce livre sera réédité en 1860
- Analyse de la lumière, déduite des lois de la mécanique... ouvrage où toutes les expériences de Newton sont rapportées et expliquées. Paris, Bachelier, 1826. XX-626 pages. Un exemplaire de ce livre se trouve à la bibliothèque nationale du Danemark (http://search.theeuropeanlibrary.org)
- La peste de Paris, avril 1832. Paris, sd, in-8°, 32 pages
- Les Révélations de Saint Jean: histoire prophétique de l'Eglise depuis Jésus-Christ jusqu'à la consommation des siècles, mise en discours mesuré. Paris, A. Jeanthon, 1839, in 8°, 324 pages.
- Des destinées de l'âme, ou de la Résurrection, de la prescience et de la métempsycose, avec un précis des prophéties qui regardent l'église, pour reconnaître le temps présent et les signes de l'approche des derniers jours. Paris, Comon, 1846, in 12°, 407 pages. Ce titre a connu une nouvelle édition en 1868 à Paris chez Didier (428 pages). Cette édition est précédée d'un appel aux catholiques de bonne foi et au futur concile.
- Accomplissement des prophéties, faisant suite au livre des Destinées de l'âme. Paris, 8 volumes in-12. Les volumes ont été édités entre 1847 et 1860: I. Histoire abrégée de l'Église jusqu'à la fin des temps. Explication complète de l'Apocalypse. Réfutation du livre de l'¸Origine des cultes¸, de Dupuis. - ¸Comon¸, 1847 ; II. Prédictions sur l'avenir de l'Église. Explication véritable du magnétisme animal. - ¸Comon¸, 1849 ; III. Philosophie du magnétisme. Rapports de l'âme humaine avec les esprits invisibles. - ¸Comon¸, 1850 ; IV. État de l'Église pendant et après l'Antéchrist, avec ce qui doit advenir du socialisme. Explication de la prophétie des papes de saint Malachie. Caractères prophétiques de la Révolution française, suivis d'un tableau de la conjuration philosophique du XVIIIe siècle contre l'Église. - ¸Comon¸, 1852 ; V. Histoire de la persécution révolutionnaire, de la mort de Voltaire à celle de Mirabeau. - ¸Lacroix-Comon¸, 1855 ; VI. Suite de l'Histoire de la persécution révolutionnaire, de la mort de Mirabeau jusqu'à la fin de l'année 1791. - ¸Lacroix-Comon¸, 1857 ; VII. Suite de l'Histoire de la persécution révolutionnaire pendant les 5 premiers mois de l'année 1792. - ¸Lacroix et Baudry¸, 1858 ; VIII. Suite de l'Histoire de la persécution révolutionnaire jusqu'au renversement de la monarchie. - ¸Lacroix et Baudry¸, 1860
- La mort du Christ, poème en quinze livres, en vers mesurés à l'imitation des Anciens, avec des remarques historiques, prophétiques et littéraires; précédé d'un traité de l'orthographe considéré par rapport à la prosodie sur la mesure du vers. Paris, A. Lainé, 1864, 2 volumes in 8°
- De l'Apocalypse, ou le Triomphe de l'Église, histoire prophétique de l'Église depuis Jésus-Christ jusqu'à la consommation des siècles : vingt livres en hexamètres français, mêlés de cantiques mesurés et rimés, avec des remarques historiques, prophétiques et littéraires, faisant suite à La Mort du Christ et suivis de La Peste de Paris, poème rimé en deux livres. Paris, A. Lainé, 1867, 3 volumes in-8°
|
|
|
|
|
|