Foissy (De) Jean (1337 -1411)



Jehan de Foissy - Bailli de la Montagne (1337-1411)



Le texte ci-dessous est la reproduction littérale d'un article que lui a consacré Françoise Vignier et que cette dernière a eu la gentillesse de m'adresser il y a plusieurs années. Extrait du XVIIIème congrès de l'Association Bourguignonne des Sociétés Savantes, 1957, Châtillon-sur-Seine, Société Archéologique et Historique, 1958.



JEHAN DE FOISSY

Bailli de la Montagne,

auteur du coutumier de Châtillon-sur-Seine

(1337-1411)

Par Françoise VIGNIER

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C'est par son oeuvre juridique que Jean de Foissy, officier des ducs de Bourgogne durant 54 ans, a déjà attiré l'attention des historiens du droit: il est l'auteur d'un recueil par lui intitulé "demi prévot", plus couramment désigné sous le titre de coutumier de Châtillon-sur-Seine, qui constitue un tableau détaillé de la situation politique et sociale de la ville de Châtillon à l'extrême fin du XIVe siècle. (1)

L'homme et l'oeuvre ne sont pas inconnus des érudits: le coutumier fut édité en 1846 par Charles Giraud, réédité en 1867 par Joseph Garnier qui traça alors une courte biographie de son auteur. (2) Par la suite Prost, au tome I de ses Inventaires mobiliers... consacra à ce dernier une notice abondamment documentée.

Enfin lors du congrès de l'A.B.S.S., tenu à Beaune en 1932, Monsieur le Professeur Chevrier, ayant entrepris l'étude du coutumier dont il avait découvert plusieurs copies, s'attacha à dégager les grandes lignes de la vie et de la personnalité de Jehan de Foissy. (3) Monsieur Chevrier avait réuni à cette occasion un nombre considérable de notes qu'il ne put utiliser dans leur totalité et qu'il a bien voulu nous confier la difficile mission de mettre en oeuvre, ainsi qu'une courte et très précise notice manuscrite du chanoine Chaume.

Jehan de Foissy était issu d'une famille de la bourgeoisie champenoise. (4) Il était né en 1337, vraisemblablement à Troyes, dans la maison familiale portant l'enseigne des "Quatre fils AYmon", que son fils Jean devait en 1421 céder au chapitre de cette ville. (5) Son père, Odard de Foissy, mourut vers 1353 alors qu'il avait déjà quitté la Champagne pour suivre à Dijon Dimenche de Vivel, époux de sa soeur Meline (6). La famille se composait en outre d'Etienne qui fut abbé de Clairvaux de 1380 à 1402 et de Simon dont le sort nous demeure encore inconnu.

Jehan de Foissy avait à peine 18 ans lorsqu'il partit en Bourgogne à l'instigation de Dimenche de Vitel, bientôt receveur général de Bourgogne, dont l'influence allait orienter toute sa carrière: il ne fit pas d'études et reçut une formation exclusivement pratique.

Son mariage avec Douce Clerambault, fille d'un bourgeois de Dijon, renforça ses liens avec le duché (décembre 1358) (7). De cette union naquirent six enfants dont l'aîné seul, Jean, mort en 1421, chanoine doyen de Troyes après avoir été official en la même ville, demeura en Champagne: les cinq autres bénéficièrent à divers degrés de la carrière bourguignonne de leur père, lequel s'était solidement attaché au pays de La Montagne au point d'y avoir acquis des terres (Montmoyen, Chamesson, Eporves, Brion, Le Moulin-Rouge, etc...) (8).

Il avait toutefois renoué dès 1374 des liens avec la Champagne par l'achat du fief de Creney qui devait foi et hommage au comte de Champagne: cette terre passa à son petit-fils, Jean, capitaine de Chaource, et resta aux mains de la famille jusqu'en 1623 (9).

Ses origines champenoises et ses premières attaches bourguignonnes avaient préparé Jean de Foissy à l'exercice du pouvoir en un point où les droits des deux grandes puissances féodales se mêlaient. Mais avant de devenir bailli il exerça diverses fonctions.

Peu de temps après son arrivée, Dimenche de Vitel le prit pour lieutenant, (10) puis il fut en 1357 receveur général en Bourgogne des impôts pour la fortification de Dijon (11). De 1359 à 1361 il parcourut toutes les chatellenies et prévôtés du duché pour collecter l'emprunt levé pour le voyage du jeune duc Philippe de Rouvres à Arras et pour son mariage.

Ayant su faire, dans l'accomplissement de ces premières tâches d'administration financière, la preuve de sa valeur, il fut choisi pour maire par les échevins dijonnais en juin 1361. Il avait alors vingt-quatre ans. Des fragments de compte le montrent, durant deux ans, poursuivant sa tâche de receveur des impôts, pour la fortification de la ville, procédant à des ventes de grains, présidant en son logis à la reddition des comptes, partant en mission à Chalon, puis à Sens (12).

En janvier 1365 il fut anobli par Charles V (13).

Il accompagna, du 11 mars au 22 avril 1365, Dimenche de Vitel à la foire de Chalon et se vit bientôt confier les fonctions de maître des foires jusqu'alors remplies par le bailli: entré en fonction à la Saint-Barthélémy, il le demeura jusqu'en avril 1367. Il avait essentiellement pour charge la perception des cens et loyers des divers locaux de la foire, l'entretien de ceux-ci, la juridiction des délits mineurs sanctionnés par des amendes (14).

Etant maître des foires il intervint aux côtés de son beau-frère pour l'adjudication de la levée, dans le baillage de Chalon, de l'imposition de 12 deniers par livre accordée le 1er décembre 1366. Cette mission devait être la dernière avant son accession au poste de bailli de La Montagne dont il resta titulaire pendant 44 ans, du 5 janvier 1367, date à laquelle il reçut les sceaux, jusqu'au 10 juillet 1411, date de son décès à Châtillon (15). Du 5 mai 1374 au 14 janvier 1375 il cumula les fonctions de bailli de La Montagne et de bailli d'Auxois (16).

Pendant toute cette période il fut appelé à exécuter de multiples missions: dès janvier 1373, il siégea au conseil ducal, il y était notamment lorsque, le 24 juin 1377, le conseil, ayant décidé d'affermer toutes les prévôtés, prescrivit aux baillis de dresser un état exact des droits et domaines qui les composaient; il y était encore lorsque le Parlement se réunit à Beaune en présence du Conseil pour trancher un différent entre le procureur du duc et l'abbé de Citteaux (17). C'est enfin en tant que conseiller qu'il fut désigné en 1381, conjointement avec Dreue Phelize, comme réformateur de la justice du duché.

En 1389 il participa à des négociations sur les limites de la Bourgogne, du Bourbonnais et du Nivernais (18), travaux qui le préparaient à démêler les problèmes soulevés à partir de 1404 par la détermination des domaines respectifs des ducs et des évêques de Langres à Châtillon.

Les quarante-quatre années passées à la tête du bailliage furent consacrées à l'accomplissement de menues besognes judiciaires et administratives. Il rendait une vingtaine de sentences par an au cours d'assises où sa présence, aux côtés d'un procureur, était indispensable au point de justifier son absence au conseil: il fixait des amendes pour des crimes d'importance assez mince (vols, coups et blessures, effractions, attaques à main armée, violences contre les officiers ducaux, etc...).

Les attributions administratives déterminaient des activités à peine plus variées: prisées d'héritages dévolus aux établissements religieux, prisées de biens en vue de leur acquisition par le duc, information sur le droit de salage à Châtillon en 1371, négociations avec les gens du roi à propos de l'aide pour le fait des guerres en 1378, enquête sur la propriété des eaux de l'Ource en 1385, enquête sur la dépopulation d'Aignay-le-Duc en 1397, etc...

De cette énumération monotone se détachent trois missions bien définies dont deux au moins eurent un retentissement dans la rédaction du coutumier.

En septembre 1367 Jean de Foissy fut chargé, avec Guillaume du Tremblay, de faire observer les règlements sur la défense du pays contre les grandes compagnies dans l'ensemble du bailliage particulièrement menacé (19). Administrateur et justicier, notre personnage apparaît ici comme le défenseur militaire du domaine ducal. Il dut en outre protéger l'intégrité même de ce domaine menacé sans cesse par l'avidité de l'évêque de Langres.

En 1334 l'évêque avait fait dresser un terrier de ses seigneuries. Rien de semblable n'existait pour le bailliage: à la suite peut-être de menus conflits Jehan de Foissy rédigea un état général des droits et du domaine ducal (20) en 1371.

trente cinq ans plus tard, il fut mêlé à une affaire plus grave: la tension latente entre le duc et l'évêque ayant repris de l'acuité en 1404 (21), des négociations furent engagées sous la direction de Guibert de Louesme, conseiller ducal. Sur ordre des gens des comptes le bailli de La Montagne dut, aidé de son procureur, établir un inventaire de tous les biens épiscopaux, tenus isolément ou en indivis avec le duc et l'abbé de Notre Dame, à Châtillon, Courcelles, La Chassaigne, Prully, Marigny, Mosson Massingy, Courcelles-les-Rans, Montliot (22). Les commissaires procédèrent à l'interrogatoire de 55 témoins et rédigèrent un registre qui fut adressé accompagné de leurs observations à la Chambre des Comptes. Jehan de Foissy fut lui-même convoqué à Dijon le 19 août 1406 afin de donner son avis sur les divers aspects de la question. L'affaire n'était point liquidée lorsqu'il mourut le 10 juillet 1411.

Ces observations, quoique trop incomplètes, justifient en grande partie les quelques vers placés en tête du "demi-prévôt", lequel apparaît désormais comme un mémoire, établi à l'usage de ses successeurs, par un officier dépourvu de formation juridique mais soucieux de faire bénéficier ceux-ci de son expérience très longue d'une question particulièrement délicate: celle de l'enchevêtrement des droits féodaux à l'intérieur de la ville de Châtillon-sur-Seine.



(1) Archives dép. de la Côte-d'Or, B. 990.
(2) J. GARNIER, Chartes de commune de Bourgogne, t. I. p. 348
(3) Cf. Annales de Bourgogne, t. IV, 1932, p.281-282
(4) Les archives de l'Aube possèdent sur cette famille des documents remontant à la fin du XIIe siècle
(5) Arch. Aube, G.2642
(6) Arch. Côte-d'Or, B. 11 228, fol. 124, v°
(7) Arch. Côte-d'Or, B 11254, fol. 64, v° et fol. 65.
(8) Arch. Côte-d'Or, B 11 285, B 10 530, B 11 360, B 11 504, B 11 520.
(9) A. ROSEROT, Dictionnaire historique de la Champagne méridionale (Aube) des origines à 1790, t. I, 1942, p. 456 - Arch. Aube E. 173, f°252 et G 3472.
(10) Arch. Côte-d'Or, B 1413, fol. 29 v°.
(11) Arch. mun. de Dijon, L 117.
(12) Arch. mun de Dijon, L 117, L 337, M 13.
(13) Arch. nationales. JJ 98.
(14) Arch. Côte d'Or, B 3567-3569
(15) Arch. Côte d'Or, B 4008-4035
(16) Arch. Côte d'Or, B 2761-2762
(17) Arch. Côte d'Or, B 11402, B 11500
(18) De Marolles, Inventaire des titres de Nevers, col. 632
(19) Arch. Côte d'Or, B 11747 et B 11844
(20) cf. communication de Monsieur Chevrier
(21) Arch. Côte d'Or, B 11504
(22) Arch. Côte d'Or, B 4028, B 347
   

mise à jour:  mardi 12 février 2013Cliquez ici pour vous abonner à ce flux RSSPour me contacter: postmaster@st-antonin.fr