AYASSE Joseph (1872 - 1919)


Joseph est né le 21 novembre 1872, à Lyon, au 47, quai de la Vitriolerie. 

Joseph AYASSE - Militaire et pionnier de la découverte du sahara


A peine l'anniversaire de ses 18 ans est-il passé qu'il s'engage comme volontaire au 4ème régiment d'infanterie de marine, cantonné à Toulon. S'ouvre pour lui la grande aventure de la Coloniale.

Rentré comme soldat de 2ème classe le 9 décembre 1890, il gravit petit à petit les échelons: soldat de première classe le 1er juin 1891, caporal trois mois plus tard, le 26 août 1891, et sergent le 1er mai 1892.

Les débuts militaires et l'expérience indochinoise

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Il est depuis quatre ans au 4ème régiment quand il est nommé au 11ème régiment, stationné en Indochine. Du 15 juin 1894 au 27 janvier 1896, il participe à la campagne en Cochinchine et au Cambodge. Depuis 20 décembre précédent, il est repassé au 4ème régiment d'infanterie. Il y reste jusqu'au 6 avril 1897.

Cette période indochinoise de près de trois ans lui a permis de montrer ses qualités militaires. Il est envoyé à l'Ecole militaire d'Infanterie (de Saint Maixent) où il est élève officier à compter du 7 avril 1897. A sa sortie, il obtient le grade de sous-lieutenant et incorpore le 1er avril 1898 le 5ème régiment d'infanterie de marine (Cherbourg). Ce régiment et le 1er régiment d'infanterie de marine, lui aussi basé à Cherbourg, fournissait les militaires pour l'Indochine. Joseph est ainsi muté, le 24 décembre 1898, au 10ème régiment d'infanterie de marine, stationné à Haïphong, au Tonkin.

A l'époque, les relations des grandes nations européennes avec la chine sont houleuses. De nombreuses rebellions troublent les confins du territoire français. La plus connue de ces rebellions est celle des boxers. Joseph entre en campagne: elle commence le 15 janvier suivant et finira 3 ans et demi plus tard le 1er juin 1902.

Très rapidement, Joseph se rend dans le territoire français de Kouang-Tché-Wan et très certainement à Fort Bayard sa capitale. Nota:Guangzhou Wan ou Kouang-Tchéou-Wan (« baie de Canton ») est un territoire annexé par la France le 27 mai 1898 pour contrebalancer le pouvoir de Hong Kong et de Macao et pour étendre la zone d'influence de la France à partir de l'Indochine au sud-ouest de la Chine (Yunnan, Sichuan et Guangdong). Les Français s'en servent de comptoir pour l'expédition des produits miniers tirés des concessions accordées par la Chine. (Wikipédia)

Le Combat de Vong-Lock - 16 novembre 1899


Très rapidement Joseph se trouve au coeur de l'action et participe activement au combat de Vong Luoch (Vong-lock, Houang-lio, etc..), le 16 novembre 1899. Ce village était considéré comme un foyer de rebellion. Alfred Bonningue, auteur de "La France à Kouang-Tché-Wan" (1931) dit que "Vong-Lock (s'est) défendu avec acharnement (et a été) brillamment enlevé le soir même à la baïonnette".

Le caporal Hubin du 10ème régiment d'infanterie de marine, comme Joseph, a laissé le récit de ses campagnes coloniales. Il décrit en particulier l'affaire de Vong-lock. Le texte ci-dessous reprend divers extraits de son récit (Pour avoir l'intégralité de ce texte passionnant: http://war.megabaze.com/page_html/037-Indochina-Africa):

Georges Hubin est cantonné à Haïphong quand il reçoit l'ordre de se rendre à Kouang-Tchéou-Wan:

"Nous filions donc vers une bataille véritable, contre de véritables troupes chinoises... Depuis de longs mois ... les Chinois réguliers et pirates, harcelaient les quelques troupes qui gardaient ce territoire cédé régulièrement par la Chine à la France. Il ne se passait pas de semaine, sinon de jour, sans qu'un ou plusieurs de nos hommes, ... ne fût assassiné par traîtrise ou simplement tué d'un coup de feu.

C'était d'ailleurs l'époque de la grande agitation chinoise qui se préparait et qui allait éclater quelques mois plus tard, dans le Nord, et qui est connue sous le nom de révolte des Boxers. A Quang-Tchéou-Wan, les boxers boxaient à coups de fusils très perfectionnés. Leur audace était devenue si grande que -quelques semaines plus tôt- ils avaient enlevé trois officiers de marine ...et les avaient mis à mort après les avoir dûment suppliciés. On connut leur mort par l'arrivée à bord du "d'Entrecasteaux" de leurs têtes exsangues, emballées dans une corbeille de bambou...

L'aube du jour du combat se leva, splendide et fraîche... Le premier coup de canon fut le déclenchement d'une sérénade tonitruante... Le combat était engagé. Ce fut alors le déroulement normal de ces sortes d'affaires. Nos troupes approchaient lentement mais régulièrement, sur une grande ligne, des premiers rangs des Chinois, bien marqués par une débauche de bannière et d'étendards de toutes formes, de toutes couleurs, de toutes dimensions et ornés de décorations bizarres.

La première ligne des ennemis ne reculant pas, on ordonna la charge à la baïonnette...  je me rendis sur la ligne même de combat, juste à point pour faire partie du second assaut à la baïonnette. Ce fut une charge magnifique. Mais nous dûmes combattre à l'arme blanche contre les Chinois qui, cette fois, se sentant en force, ne déguerpirent qu'après une lutte acharnée. Nos baïonnettes eurent raison de leurs coupe-coupe, grands yatagans courbes et terribles mais, heureusement, plus courts que nos armes à nous et plus difficiles à manier.

Quelques-uns des nôtres furent quand même blessés par ces sales engins, mais aucun ne fut fait prisonnier. Nous n'en fîmes pas non plus, la consigne était : pas de quartier. Les blessés chinois qui pouvaient se retirer du combat devaient être achevés sur place. On devient rudement sauvage, au combat. Chacun y est pour sa vie personnelle. Si je ne tue pas, je suis tué, c'est entendu. Mais c'est une nécessité atroce. J'ai vu des scènes sauvages que, de sang froid, personne n'aurait perpétrées, dont chacun repousserait l'idée avec horreur. C'est ainsi que j'ai vu, tout au commencement du combat, mon Sergent-major Collet abattre froidement, à une vingtaine de mètres de nous, sur notre gauche, un vieil homme et une femme portant un enfant. Ces gens, qui n'étaient certainement pas des combattants, sortaient d'une cabane cachée par les tiges d'un champ de sorgho. Mais... Mais... La folie sanguinaire était déchaînée, et l'ordre général : pas de quartier, couvrait tous les assassinats.

Ces réflexions, je me souviens les avoir faites sur place ce jour-là, mais elles ne m'empêchèrent pas, un peu après ou un peu avant, de jouer de mon instrument de mort comme les camarades, et je dus percer mes deux Chinois pour passer dans l'intervalle qu'ils laissèrent libres en tombant.

Cette fois, ce fut la bonne. Notre assaut fut plus furieux encore que les deux précédents. Nous voyions la ville de Vong-Luoc pas très éloignée derrière la ligne de défense. Nous en voyions sortir des nuées de gens qui fuyaient éperdument. L'artillerie fit des ravages épouvantables parmi ces masses de femmes, de vieillards, d'enfants, de troupeaux, de voitures. Les pièces tiraient à mitraille et à vue, à moins de 1500 mètres. Chaque obus éclatant sur ces fuyards amoncelait les victimes en tas sanglants et hurlants. Devant notre élan, la ligne de résistance du talus fut définitivement enfoncée et les troupes chinoises s'enfuirent à toutes jambes sans s'arrêter, sans se retourner, nous abandonnant à merci la ville de Vong-Luoc, ville de 80 000 habitants en temps ordinaire, mais absolument vidée lorsque nous y entrâmes, une demi heure après l'assaut final.

Avant d'y entrer, j'avais dans l'idée de me choisir, parmi les Chinois tués, un beau souvenir. Je désirais scalper une de ces nattes somptueuses comme certains d'entre eux portaient. J'allai donc à la recherche pour satisfaire mon désir et je trouvai bientôt ce que je cherchais. Ce tué paraissait un beau mort. Rien ne le défigurait et il possédait la natte de cheveux du modèle que je voulais avoir. Je sortis donc de ma poche mon couteau que j'ouvris et me penchai pour couper le scalp convoité. Mais je n'en eus pas la force. Au moment où je le soulevais la belle natte bien large, bien épaisse et bien longue... longue... je découvris l'affreuse blessure qui avait tué le type. Un éclat d'obus lui avait ouvert le crâne à l'occiput et la plaie béante et sanglante qu'il avait provoquée me répugna tellement que je n'osai plus y toucher. Je m'éloignai à regret et avec mal au coeur, et je renonçai à chercher une autre chevelure plus saine.

Immédiatement, on prit les précautions d'usage, et ensuite ce fut licence absolue et complète. L'ordre du Colonel décrétait deux heures de pillage et de nettoyage, sans restrictions. Alors, ce fut une ruée sans pareille de démons cupides et acharnés à faire la mal. Les maisons furent envahies les unes après les autres. Les issus étaient démolies à coups de crosse et tout était fouillé et souillé de fond en comble. Tout ce qui remuait était impitoyablement tué, mais je dois dire qu'il n' eut guère que des animaux -volailles et surtout porcs- car aucun être humain n'était resté dans la ville. Nous comprîmes alors l'acharnement des défenseurs et leur résistance : ils voulaient permettre l'évacuation de la ville
".



La fin de la période Indochinoise


Après la bataille de Vong-Lock, Joseph est resté dans la région certainement jusqu'à la fin de l'année 1901. Au début de cette même année, le 22 février 1901, nous savons qu'un incendie s'est déclenché au poste de Pointe Nivet, dans lequel il se trouvait. Pointe-Nivet est un poste militaire du territoire de Kouang-Tché-Wan. A cette occasion il a été "brûlé au cou et derrière l'oreille gauche, ..., en dirigeant dans une case en flamme, le service de sauvetage". Cet acte de courage lui vaudra d'être "félicité pour sa belle conduite"

La campagne du Tonkin est officiellement terminée le 1er juin 1902. Pour Joseph, c'est la fin de l'aventure Indochinoise. Il rentre en France lors du deuxième semestre de l'année. Au total, en cumulant ses deux séjours, il aura passé plus de 6 ans entre les différentes possessions. Durant cette période il a du rendre quelques visites à ses cousins germains qui résidaient aussi au Tonkin. Au premier titre, il devait voir régulièrement sa cousine Clémentine Guerrier, épouse d'Abbadie, qui habitait Haïphong, lieu de casernement du régiment de Joseph.

Notons que pendant cette même période, Joseph est devenu Lieutenant le premier avril 1900.

L'épopée Saharienne

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A la fin de sa période Indochinoise, Joseph avait de nouveau été incorporé au 4ème régiment d'infanterie de marine. La fin de l'année 1902 et le début de 1903 sont pour Joseph un intermède avant de nouvelles aventures. Il a certainement passé L'automne 1902 et l'hiver 1903 au casernement de Toulon. C'est a priori à cette époque très précise qu'a été prise la photo de Joseph avec son cousin germain Julien.

Dès le 23 octobre 1903, il est affecté au bataillon de Zinder

Avec certitude nous retrouvons sa trace à la fin de l'année 1904. Il est alors en Afrique, au bord du lac Tchad dans le village de N'Guigmi. A la tête d'une petite colonne, il entreprends de rejoindre l'oasis de Bilma située à près de 1000 kilomètres au nord.

Le 19 décembre 1904, il se dirige vers le nord. Moins d'une semaine après, "égaré par ses guides", il se retrouve dans une région totalement désertique, au nord est de N'Gourti. Là, "il ne put s'en sortir qu'en se repérant sur l'itinéraire de Monteil et en marchant à la boussole". Après une équipée de près de 200 kilomètres, il retrouve enfin le chemin prévu et peu rejoindre l'oasis dAgadem. Là, "la petite colonne trouva des palmiers très verts et l'eau à fleur du sol, mais les Touaregs, qui y campaient autrefois sous des tentes de cuir, ont disparu. Dans les rochers on voit des vestiges de cases et des dessins gravés dont le lieutenant a pris copie. Le 3 janvier, l'itinéraire se poursuit au nord par les points d'eau de Dibella, Zau Kora, Zau Seghir jusqu'à Bilma où le détachement parvient le 7 janvier. Les cinq jours passés dans l'oasis furent utilement employés à prendre le contact des Tebbous et à rouvrir la route des caravanes. En effet, deux mois après le retour du lieutenant, une caravane de Bilma arrivait, le 1er avril, à N'Guigmi, fait qui n'avait pas eu lieu depuis quinze ans."

Le lieutenant Ayasse a effectué plus rapidement et plus facilement sa route de retour. Sa reconnaissance a eu des conséquences heureuses pour notre politique africaine, en établissant la priorité de la France à Bilma, en rendant un accès vers Tripoli et en préparant  l'occupation de l'oasis" quelques temps plus tard par le lieutenant Crépin et le commandant Gadel.

En 1910, Joseph est capitaine, commandant le secteur Ifoghas. Ce secteur correspond à la zone montagneuse de l'Adrar Ifoghas au nord est de Tombouctou. Dans le rapport qu'il rédige au retour d'une tournée effectuée du 8 au 20 janvier 1910 il note scrupuleusement les mouvements des différentes tribus hostiles ou non.

Survient alors la première guerre mondiale. Joseph rejoint le premier régiment d'infanterie coloniale du Maroc et débarque à Cette (Sète) le 17 août 1914. Il est immédiatement dirigé sur la zone des combats. Il semble qu'il soit dirigé dans un premier temps vers la Marne. Le 28 août 1914, il est blessé. Le 31 août, "le régiment décimé, ... ne comprends que l'effectif d'un bataillon". "Revenu au front à peine guéri", Joseph est "atteint à nouveau d'une grave blessure, le 21 décembre" de la même année "en enlevant brillamment son bataillon à l'assaut des lignes ennemies". Ces faits de guerre lui permettront de devenir officier de la légion d'honneur et d'obtenir la croix de guerre avec une citation.

Une autre source (cf sources) décrit plus précisément l'épisode de décembre 1914: Le 1er régiment d'infanterie se trouve à Mametz. Nous apprenons que 2 bataillons sont chargés "de reprendre l'offensive par surprise sur la lisère Est de Mametz. Bien que l'attaque soit éventée, les clairons sonnent la charge. Le commandant AYASSE entraîne la compagnie de tête et s'empare de la première tranchée. Les mitrailleuses ennemies couvrent le terrain découvert d'une nappe de projectiles et causent de grosses pertes dans les rangs/ A la cote 210, l'attaque est arrêtée par un blokhaus puissant. A 9h45, l'ordre arrive de reprendre l'attaque qui est préparée par un tir de nos 75. Dans un sursaut d'énergie, les débris des compagnies s'élancent. Bientôt on ne voit plus que des isolés qui s'avancent, mais tombent sous un feu impitoyable, jusqu'au moment ou le commandement renonce à cette offensive".

Sources:
  • Les Touaregs Kel Adagh, Pierre Boilley, pages 126 et 127
  • Histoire du 1er régiment d'Infanterie du Maroc,

Le Chant des Africains



Après la guérison de sa grave blessure de décembre 1914, Joseph retourna t-il en Afrique. Du moins il semble qu'il y retourna avant la fin de la guerre. Avec certitude, il se trouve à Tombouctou en 1919. C'est là qu'il est assassiné dans des circonstances inconnues. Il repose au cimetière français de Tombouctou.


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mise à jour:  mardi 12 février 2013Cliquez ici pour vous abonner à ce flux RSSPour me contacter: postmaster@st-antonin.fr